« Aventures de trois Russes et de trois Anglais » est un roman de Jules Verne publié en 1872. Moins célèbre que ses autres œuvres comme « Vingt mille lieues sous les mers » ou « Voyage au centre de la Terre », ce récit propose une réflexion sur les thèmes de la science, de l’exploration, et des rivalités nationales, tout en offrant une aventure captivante au cœur de l’Afrique australe.

Synopsis

L’intrigue du roman repose sur une mission scientifique commune menée par six savants – trois Russes et trois Anglais – chargés de mesurer un arc du méridien terrestre en Afrique australe. Cette mission vise à déterminer précisément la forme et la taille de la Terre, une question scientifique d’une grande importance à l’époque. Les six protagonistes se lancent dans un voyage à travers des territoires hostiles, affrontant les défis de la nature et les tensions liées à leurs origines nationales.

Le groupe est composé du colonel Everest, du mathématicien William Emery et de l’astronome John Murray pour les Anglais, et de leurs homologues russes, le colonel Strux, l’astronome Palander et le géographe Nicolas Zorn. Le récit suit leurs péripéties, marquées par des rencontres avec les populations locales, des difficultés techniques et des tensions croissantes entre les deux équipes.

La Science comme terrain d’union et de conflit

Jules Verne utilise ce roman pour explorer le thème de la science comme un moyen de collaboration, mais aussi comme un terrain de conflit. Les deux équipes, russe et anglaise, sont réunies par un objectif scientifique commun : mesurer un arc de méridien pour mieux comprendre la forme de la Terre. Cette mission illustre le potentiel de la science pour transcender les frontières nationales et rassembler des individus autour d’un but universel.

Cependant, les rivalités nationales ne tardent pas à resurgir. À travers les interactions entre les personnages, Verne met en lumière les préjugés et les tensions entre les deux nations. La compétition pour la supériorité scientifique devient un reflet des tensions géopolitiques de l’époque. Les Anglais et les Russes, bien que liés par leur engagement scientifique, sont également animés par un esprit de compétition qui menace de compromettre leur mission commune.

Les personnages : des archétypes nationaux

Les six protagonistes sont dépeints comme des archétypes nationaux, chacun incarnant les stéréotypes associés à leur pays d’origine. Les Anglais, représentés par le colonel Everest, William Emery, et John Murray, sont décrits comme méthodiques, disciplinés, et imbus de leur sens du devoir. Ils incarnent l’image du gentleman britannique, avec un mélange de flegme et de pragmatisme. Leur approche de la science est rigoureuse et organisée, reflétant la réputation de l’Angleterre comme nation de scientifiques et d’ingénieurs.

Les Russes, en revanche, sont présentés comme plus passionnés et impulsifs. Le colonel Strux, Nicolas Palander, et Nicolas Zorn apportent une touche de romantisme et d’émotivité à l’expédition. Ils sont parfois en désaccord avec leurs homologues anglais sur la manière d’aborder les problèmes, privilégiant une approche plus intuitive et spontanée. Ces différences de tempérament conduisent à des conflits et des malentendus, mais elles enrichissent également le récit en montrant comment des perspectives variées peuvent contribuer à un projet commun.

Les thèmes du roman

Exploration et Science : Comme dans beaucoup des romans de Verne, l’exploration et la science sont au cœur de l’histoire. Le voyage à travers l’Afrique australe est l’occasion pour l’auteur de décrire en détail les paysages, la faune et la flore, mais aussi de mettre en scène les défis techniques et scientifiques auxquels sont confrontés les protagonistes. La précision des descriptions témoigne de l’intérêt de Verne pour la géographie et la science, et donne au lecteur un aperçu des réalités de l’exploration au XIXe siècle.

Rivalité et Collaboration : Le roman explore les notions de rivalité et de collaboration entre les nations. La mission commune des Russes et des Anglais symbolise l’idée que la science peut être un pont entre les cultures, un moyen de dépasser les antagonismes. Cependant, les tensions entre les deux groupes montrent que la collaboration n’est pas toujours facile, surtout lorsque des intérêts nationaux sont en jeu. Verne illustre ainsi les défis de la coopération internationale, un thème qui reste d’actualité aujourd’hui.

Nature et Humanité : L’Afrique australe, avec ses étendues sauvages et ses dangers, est un personnage à part entière dans le roman. Elle représente les forces indomptables de la nature face à l’ingéniosité humaine. Les explorateurs sont confrontés à des éléments hostiles, à des animaux sauvages et à des maladies, rappelant que la science et la technologie ont leurs limites face à la puissance de la nature. Cette tension entre l’homme et son environnement est un thème récurrent dans l’œuvre de Verne, qui invite à la fois à l’admiration et à l’humilité.

Un roman révélateur de son époque

« Aventures de trois Russes et de trois Anglais » est également un reflet des préoccupations de son époque. À la fin du XIXe siècle, les rivalités coloniales et les compétitions scientifiques étaient monnaie courante. Les grandes puissances cherchaient à asseoir leur suprématie, non seulement sur le plan politique et militaire, mais aussi sur le plan scientifique. Le roman de Verne s’inscrit dans ce contexte, montrant comment la science et l’exploration pouvaient être à la fois un terrain de compétition et un espace de coopération.

Conclusion

« Aventures de trois Russes et de trois Anglais » est un roman qui, sous le couvert d’une aventure scientifique, propose une réflexion sur les relations internationales, la coopération et la rivalité, et la place de la science dans le monde. Jules Verne, avec sa plume précise et son sens du détail, nous offre une histoire qui est à la fois un hommage à l’esprit d’exploration et une critique subtile des tensions entre les nations. C’est un récit qui rappelle que, malgré les différences culturelles et les conflits, la quête de la connaissance reste une entreprise universelle, capable d’unir les hommes dans un effort commun.